Nous avons recontré Ambrose Ekeroku, directeur exécutif de CAPIO, un de nos partenaires au Nigéria, pour en savoir plus sur cette organisation et ses actions pour la protection des intérêts des détenus. Chargé de projet responsable du Projet SAFE, il revient également sur la collaboration avec ASF France et les premiers résultats encourageants du projet.
CAPIO, qu'est-ce que c'est ?
AMBROSE EKEROKU : La Carmelite Prisoners' Interest Organization (CAPIO) est une organisation de développement du changement à but non lucratif créée en 1992 par l'ordre des Carmes déchaux, une congrégation de prêtres de l'Église catholique. En août 1992, alors que des Carmes sont en visite dans des centres de détention, ils réalisent la nécessité de répondre aux besoins fondamentaux des détenus tels que la représentation juridique et les soins médicaux.
Notre unique objectif est de défendre et de promouvoir de véritables réformes de la justice et du secteur pénitentiaire et d'améliorer le bien-être général des détenus au Nigéria. CAPIO s'engage à protéger les intérêts des personnes vulnérables, notamment des détenus, en plaidant pour un système judiciaire réformé, des services juridiques gratuits, la réhabilitation et la réintégration dans la société, en appliquant les bonnes pratiques internationales.
L'intervention de CAPIO auprès des détenus, qu'ils soient coupables ou innocents, puise son inspiration dans le fait que les humains sont créés "Imago dei" (à l'image de Dieu) et qu'ils doivent donc être traités avec dignité.
Protéger les droits des détenus dans 5 domaines clés
Au fil des ans, les interventions de CAPIO se sont principalement concentrées sur la satisfaction des besoins fondamentaux des détenus, la fourniture de services juridiques et médicaux gratuits, la réinsertion des détenus et le plaidoyer en coopération avec d'autres organisations de défense des droits de l'homme pour faire avancer la justice.
La collaboration avec ASF France
Le projet SAFE a suscité chez nous un vif intérêt, nos équipes ayant été confrontées à des témoignages de détenus racontant leurs épreuves en matière de violations des droits de l'homme, et de suspects tués et torturés de manière extrajudiciaire par des agents de sécurité dans le but de leur extorquer des aveux.
Notre détermination à promouvoir les droits de l'homme et l'amnistie des condamnés à mort explique notre intérêt et notre partenariat avec ASF France dans le plaidoyer sur les questions liées aux droits de l'homme, dans le but de réduire les abus au Nigéria.
Nos valeurs rejoignent celles d’ASF France, notamment dans notre tolérance zéro à l’égard de la peine de mort et des abus des droits de l'homme. Ce partenariat a offert une opportunité de synergie et de couvrir plus de terrain, pour sensibiliser et tenir les agences de sécurité et le gouvernement responsables des violations des droits de l'homme.
Des résultats encourageants
Il reste beaucoup à faire, même si des étapes importantes ont été franchies, notamment grâce à la formation des agences de sécurité. Cette activité a permis d'identifier le manque de connaissances du personnel de sécurité sur les lois existantes et de le sensibiliser à la lutte contre les violations des droits de l'homme.
Par exemple, la plupart des agents ignoraient l'existence de la loi anti-torture de 2015 et les implications de tels actes. Si le quartier général des forces de police avait accordé une audience au projet SAFE, la manifestation End SARS aurait peut-être été évitée. Le mois d’octobre 2020 marque un tournant dans le plaidoyer contre la brutalité policière au Nigéria, qui a permis de contrôler les abus de pouvoir des officiers de police. Il faut saluer la baisse des arrestations arbitraires et des extorsions de la part des officiers de police.
Il convient de rappeler que le projet SAFE n'est qu'une étude pilote pour l’instant mise en œuvre dans trois États de la fédération : c'est une goutte d'eau dans l'océan, qui atteindra les objectifs fixés lorsque la sensibilisation et le plaidoyer seront étendus à d'autres États du Nigéria.
Je suis optimiste quant au respect des droits de l'homme au Nigéria, je sais que la situation s’améliore. Les gens sont plus conscients de leurs droits et les réclament avec force. Avec d'autres OSC qui luttent contre les violations des droits de l'homme, il y a de la lumière au bout du tunnel. En tant que porteurs de devoirs, nous assumerons la responsabilité des droits des populations tels qu'ils sont inscrits dans la constitution.
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