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Avocats Sans Frontières France obtient la libération de Moses Abiodun après 16 ans de détention illégale

Avocats Sans Frontières France obtient la libération de Moses Abiodun après 16 ans de détention illégale

Avocats Sans Frontières France, dans le cadre de son projet SAFE (Strengthening National Actors’ Capacity for Ending Severe Human Rights Violations) financé par l'Union européenne, est fier d'annoncer qu'il a obtenu la libération inconditionnelle de Moses Abiodun, un citoyen nigérian injustement détenu depuis plus de 16 ans sans procès. Ce jugement historique rendu par la Cour de justice de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) représente une victoire importante pour les droits humains, la liberté individuelle et la responsabilité dans la région de l'Afrique de l'Ouest.

 

Le calvaire de Moses Abiodun

Moses Abiodun, un homme d'affaires, a été arrêté arbitrairement en novembre 2008 par des agents de la tristement célèbre brigade spéciale anti-vol (SARS) de la police de l'État de Lagos. Son arrestation visait à appréhender un ami accusé de vol à main armée. Malgré l'arrestation ultérieure de son ami et sa mort tragique pendant sa détention par la SARS, M. Abiodun n'a pas été libéré. Il a au contraire enduré cinq mois de détention au commandement de la police de l'État de Lagos, où il a été soumis à des actes de torture et à des humiliations cruelles. Le 23 mars 2009, il a été placé en détention provisoire au Centre correctionnel nigérian de Kirikiri, à Lagos, pour conspiration et vol à main armée. Il est choquant de constater que pendant 16 ans, il n'a jamais été officiellement inculpé, jugé ou condamné pour aucun délit, croupissant en prison alors qu'il était innocent.

 

Le plaidoyer et la lutte incessants d'ASF France pour la justice

ASF France, par l'intermédiaire de son avocat dévoué, Me Chigozie Ikedima, a pris en charge le dossier de M. Abiodun et a engagé une procédure devant la Cour de justice de la CEDEAO. La requête (n° ECW/CCJ/APP/56/22), déposée le 28 novembre 2022, demandait qu'il soit déclaré que la détention prolongée de M. Abiodun violait ses droits fondamentaux. Le défendeur, la République fédérale du Nigeria, a initialement nié l'existence du SARS et des dossiers relatifs à la détention de M. Abiodun, affirmant même que le mandat de détention provisoire était falsifié. Cependant, l'équipe juridique d'ASF France a rapidement répliqué en fournissant une copie certifiée conforme du mandat de détention provisoire obtenu auprès des services pénitentiaires nigérians, qui réfutait de manière décisive les tentatives du défendeur de se soustraire à ses responsabilités. L'affaire a été examinée au fond le 26 septembre 2024, ce qui a conduit au jugement virtuel rendu le 15 mai 2025.

Au cours de la procédure, la Cour a fermement rejeté l'argument du défendeur selon lequel la demande était « prescrite », réitérant sa jurisprudence constante selon laquelle le délai de prescription prévu à l'article 9, paragraphe 3, du Protocole s'applique uniquement à la responsabilité extracontractuelle et non aux affaires relatives aux droits de l'homme.

La Cour a rendu un verdict sans appel :

  • L'existence indéniable du SARS : La Cour a jugé que le déni de l'existence du SARS par le défendeur était « de mauvaise foi et sans fondement », reconnaissant qu'il s'agissait d'une unité des forces de police nigérianes.
  • Une déclaration selon laquelle la République fédérale du Nigéria a violé les droits de M. Abiodun à la liberté personnelle, à la liberté de circulation, à un procès équitable dans un délai raisonnable et à la non-soumission à des traitements inhumains et dégradants.
  • Une ordonnance enjoignant à la République fédérale du Nigéria de libérer sans condition Moses Abiodun du Centre correctionnel nigérian de Kirikiri, à Lagos, où il était détenu injustement depuis 16 ans.
  • Une ordonnance enjoignant au défendeur de verser une indemnisation à M. Abiodun pour sa détention illégale. Le requérant avait demandé une somme de 20 000 000,00 NGN (vingt millions de nairas) à titre de dommages-intérêts.

La Cour s'est appuyée sur sa propre jurisprudence et sur des précédents internationaux pertinents, tels que Commission africaine c. Libye, Gregory J Todd c. République fédérale du Nigeria et Haregewoin Gabre-Selassie et IHRDA (au nom d'anciens fonctionnaires du Dergue) c. Éthiopie, renforçant l'illégalité de la détention arbitraire et prolongée. Elle s'est également appuyée sur le droit international et régional en matière de droits de l'homme, en citant :

  • Charte africaine des droits de l'homme et des peuples : en particulier l'article 6 (droit à la liberté), l'article 12(1) (liberté de circulation), l'article 7(1)(d) (droit à un procès équitable dans un délai raisonnable) et l'article 5 (interdiction des traitements cruels, inhumains ou dégradants).
  • Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) : articles 9 (liberté et sécurité de la personne), 12(1) (liberté de circulation) et 7 (interdiction de la torture ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants).

Avec une lueur d'espoir et s'exprimant lors d'une conférence de presse à huis clos, la directrice nationale d'ASF France au Nigeria, Angela Uwandu Uzoma-Iwuchukwu, a souligné l'importance de ce jugement favorable en déclarant : « Ce jugement est une affirmation forte de l'État de droit et témoigne de la résilience des défenseurs des droits humains. La libération de Moses Abiodun après 16 ans d'injustice flagrante rappelle de manière cruciale qu'aucun individu ne doit être oublié ou privé de ses droits fondamentaux, et que les États doivent être tenus responsables de leurs actes. Cela marque une étape importante vers la garantie de la justice pour les victimes de violations des droits humains dans la région de la CEDEAO et réaffirme le rôle essentiel de la Cour de justice communautaire dans la défense des droits humains. »

Angela Uwandu Uzoma-Iwuchukwu, Directrice du bureau Nigéria, Avocats Sans Frontières France.

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