Les partenaires du projet e-RIGHTS, sous la conduite d'Avocats Sans Frontières France, ont organisé un dialogue de haut niveau à Abuja. Ce forum a réuni des acteurs clés de la société civile, des représentants du gouvernement et des organismes de réglementation, ainsi que des défenseurs des droits humains afin de renforcer la protection et la promotion des droits numériques au Nigeria. Cette initiative s'inscrit dans le cadre du projet e-RIGHTS, financé par l'Union européenne.
Le dialogue a servi de plateforme aux parties prenantes pour partager leurs points de vue, aborder les défis urgents et proposer des solutions concrètes aux menaces croissantes qui pèsent sur les droits numériques au Nigeria. Les discussions ont mis en évidence la fragmentation des lois, le manque de confiance du public dans les institutions étatiques et l'écart important entre les cadres juridiques et leur mise en œuvre pratique.
Après de longues délibérations, les participants ont adopté à l'unanimité les recommandations suivantes comme feuille de route pour faire progresser les droits numériques au Nigeria :
1. Recommandations à l'intention des forces de l'ordre et du pouvoir judiciaire
- Cesser de diffuser les photos des suspects en ligne : la police nigériane doit cesser de toute urgence de publier les photos et les vidéos des suspects en ligne tant que leur culpabilité n'a pas été établie par un tribunal, conformément au droit constitutionnel à la présomption d'innocence.
- Créer des tribunaux en ligne et hybrides : la création de tribunaux en ligne ou hybrides spécialement dédiés aux affaires liées aux droits numériques et aux abus devrait être une priorité afin de garantir une justice rapide et accessible.
- Renforcer les capacités de la police : des programmes de formation devraient être mis en place à l'intention des jeunes agents de la police nigériane sur la protection des droits numériques et le traitement des affaires. En outre, l'unité de lutte contre la cybercriminalité de la police nigériane devrait mettre en place un mécanisme de retour d'information pour les cas signalés d'abus des droits numériques afin de garantir un système réactif.
- Renforcer le pouvoir judiciaire : les juges devraient être formés aux questions relatives aux droits numériques, et le pouvoir judiciaire devrait être renforcé afin de traiter efficacement les affaires liées aux droits numériques.
- Augmenter le financement et la responsabilité : les membres de la salle de crise et les autres parties prenantes devraient plaider en faveur d'une augmentation du financement de la police nigériane, tout en la tenant responsable de l'utilisation efficace des ressources.
2. Recommandations pour une réforme juridique et politique
- Adopter une loi globale sur les droits numériques : l'Assemblée nationale devrait adopter une loi unique et exhaustive qui protège spécifiquement divers aspects des droits numériques, notamment les droits des enfants en ligne, la liberté d'expression et l'accès à Internet. Cela est essentiel pour remédier à la fragmentation actuelle des lois, aucune agence n'étant responsable de l'ensemble des aspects des droits numériques.
- Élaborer des lignes directrices nationales sur la protection des enfants : des lignes directrices nationales complètes sur la protection des enfants en ligne devraient être élaborées afin de répondre aux vulnérabilités particulières des enfants dans l'espace numérique.
- Établir un plan d'action national pour les droits numériques : une plateforme dédiée devrait être créée afin de réunir toutes les agences gouvernementales concernées afin de définir leurs rôles et responsabilités spécifiques dans le traitement des questions relatives aux droits numériques. Cela permettra de créer une « carte » claire et accessible au public que les citoyens pourront utiliser pour identifier l'agence à laquelle s'adresser pour une question particulière.
- Renforcer les lois sur les contrats électroniques : créer un cadre juridique qui interdit ou invalide les contrats électroniques et les conditions d'utilisation délibérément conçus pour être excessivement longs, incompréhensibles ou qui limitent de manière injuste les droits des citoyens.
- Sensibiliser davantage les législateurs : il convient de renforcer la formation et la sensibilisation des législateurs aux questions relatives aux droits numériques afin de leur fournir les connaissances nécessaires pour élaborer des lois efficaces et respectueuses des droits.
- Encourager les plateformes locales : La Situation Room devrait encourager le développement de plateformes de médias sociaux locales afin de renforcer la responsabilité et la surveillance.
3. Recommandations en matière de sensibilisation, d'éducation et de collaboration
- Promouvoir la culture numérique dès le plus jeune âge : le gouvernement devrait introduire des cours STEM dès les premières étapes de l'éducation en les intégrant dans les programmes scolaires primaires, afin de garantir que les enfants acquièrent des connaissances numériques fondamentales dès leur plus jeune âge.
- Intensifier les campagnes de sensibilisation du public : il convient de promouvoir davantage de campagnes de sensibilisation et de programmes de culture numérique destinés aux enfants. Les médias, en particulier la radio, devraient être utilisés de manière plus intensive pour sensibiliser les citoyens aux droits numériques.
- Simplifier et traduire le langage juridique : les MDA devraient simplifier et traduire le langage juridique complexe des lois sur les droits numériques en termes facilement compréhensibles par les citoyens, si possible dans les langues locales.
- Harmoniser les plateformes de signalement : les plateformes existantes permettant de signaler et de documenter les violations des droits numériques devraient être rendues plus visibles, harmonisées et accessibles au public.
- Renforcer la collaboration : une plus grande collaboration est nécessaire entre les agences gouvernementales, les organisations de la société civile (OSC) et les autres parties prenantes travaillant dans le domaine des droits numériques. Les organisations de la société civile devraient élaborer une feuille de route claire et réaliste pour garantir la pleine application des lois sur les droits numériques au Nigeria.
- Tenir les plateformes de médias sociaux responsables : les citoyens et les défenseurs des droits numériques devraient intensifier leurs efforts pour tenir les plateformes de médias sociaux responsables, en particulier en ce qui concerne le « droit à l'oubli » pour les informations fausses ou préjudiciables.
- Améliorer l'accessibilité des services : les organismes gouvernementaux ne devraient pas facturer de frais aux citoyens pour accéder ou comprendre comment déposer une plainte, car le coût de ces services constitue un obstacle à la sensibilisation et à l'accès pour les Nigérians ordinaires.
Conclusion
Le projet e-RIGHTS s'engage à collaborer avec toutes les parties prenantes afin de garantir que ces recommandations soient mises en œuvre. Le dialogue a souligné qu'une approche multidimensionnelle impliquant une réforme législative, un renforcement du système judiciaire et une large sensibilisation du public est essentielle pour créer un environnement numérique sûr, sécurisé et respectueux des droits pour tous les Nigérians.
Les entités participantes à la salle de crise e-RIGHTS sur les droits numériques comprenaient des représentants :
- Avocats Sans Frontières France
- Centre for Information Technology and Development (CITAD)
- Spaces For Change
- Nigeria Police Force (NPF) – National Cyber Crime Centre (NCCC)
- National Human Rights Commission (NHRC)
- Nigerian Bar Association (NBA)
- Federal Ministry of Justice (FMOJ)
- National Identity Management Commission (NIMC)
- National Information Technology Development Agency (NITDA)
- National Institute for Legislative and Democratic Studies (NILDS)
- Ministry of Innovation, Science and Technology
- Nigeria Data Protection Commission (NDPC)
- Nigerian Association of Women Journalists (NAWOJ)
- Human Rights Journalists Network (HRJN) Nigeria
- Paradigm Initiative
- TechHer Nigeria
- University of Lagos
- Imo State University
- Ado Bayero University, Kano.
- Arise News
- TVC News
- Voice of Nigeria
- Vanguard Newspaper
- The Guardian Newspaper